Dans les forêts de Sibérie, Sylvain Tesson

Cabane forestière

Ces journées interminables passèrent vite. Je songeais en quittant mon ami : voilà la vie qu’il me faut. Il suffisait de demander à l’immobilité ce que le voyage ne m’apportait plus, la paix. Je me fis alors le serment de vivre plusieurs mois en cabane, seul. Le froid, le silence et la solitude sont des états qui se négocieront demain plus cher que l’or. Sur une terre surpeuplée, surchauffée, bruyante, une cabane forestière est l’El Dorado.

Régler sa dette

La vie dans les bois permet de régler sa dette. Nous respirons, mangeons des fruits, cueillons des fleurs, nous baignons dans l’eau de la rivière. Et puis un jour nous mourons sans payer l’addition à la planète. L’existence est une grivèlerie. L’idéal serait de traverser la vie tel le gnome scandinave qui court la lande sans laisser de traces sur les bruyères. Il faudrait ériger le conseil de Baden Powell en principe : lorsqu’on quitte un lieu de bivouac prendre soin de laisser deux choses. Premièrement : rien. Deuxièmement : ses remerciements. L’essentiel, ne pas peser trop à la surface du globe. Enfermé dans son cube de rondins, l’ermite ne souille pas la terre. Au seuil de son isba il regarde les saisons danser la gigue de l’éternel retour. Privé de machine, il entretient son corps. Coupé de toute communication, il déchiffre la langue des arbres. Libéré de la télévision, il découvre qu’une fenêtre est plus transparente qu’un écran. Sa cabane égaie la rive et pourvoit au confort. Un jour on est las de parler de décroissance et d’amour de la nature, l’envie nous prend d’aligner nos actes et nos idées. Il est temps de quitter la ville et de tirer sur les discours le rideau des forets.

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